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CRIPPER LA TVQUEER

Colloque international Télévision queer : Représentations, sensibilités, formes et fandom | Mai 2019 |

À travers ses réflexions sur la question du colloque Est-ce que la télévision peut être queer?, Florian Grandena a avancé que la télévision serait en soit queer, tous.tes deux étant protéiformes et insaisissables. Il va en conséquent proposer de réfléchir des télévisions queer plutôt qu’une.

Au sein même de la quatrième saison Freak Show de la série AMERICAN HORROR STORY, Florian Grandena identifie que le queer se retrouverait notamment dans le rapport au temps de la saison, s’éloignant d’une chrononormativité. Effectivement, les temporalités de la série se construisent par des dilatations temporelles extrêmes, de la non-linéaritée, des anachronismes, l’investissement de la figure du spectre et du.de la revenant.e incarnant le flashback et la simultanéité des temporalités vécues par les personnages.

Ces temporalités et affects kaléidoscopiques, selon Grandena, permettraient aux personnages, mais aussi aux spectateur.trices, de trouver leur place au sein d'une communauté reconstituée dans une configuration spectrale. Aussi, le fait que les « freaks » assument leur handicap et/ou atypie serait « queer dans le propos ».

L’intervention de Joëlle Rouleau, demandant si Florian Grandena s’est notamment appuyé sur les études crip et les écrits de Robert Mcruer¹, m’a semblé intéressante afin de comprendre qu’il a plutôt été question de queertime que de criptime² dans cette présentation. Il va d’ailleurs nommer ce temps : des temporalités d’histoires queer spectrales. On y retrouverait par l’affect de la hantise, l’idée de la blessure, du syndrome post-traumatique, mais que la série réussit toutefois à réparer. Il y retrouvait également les notions de perte, de trauma, de mélancolie, qu’il dit retrouver souvent au sein des communautés queer.


De plus, Florian Grandena a été l’un des rares panélistes à aborder des enjeux tournant autour du capacitisme³ lors du colloque Télévision Queer. C’est un enjeu qui est généralement plus abordé à travers les études critiques du handicap, où on y interroge entre autres les représentations culturelles au sein de la télévision et du cinéma en tant qu’objets producteurs de la culture dominante et producteurs de sens. Mais les enjeux reliés au capacitisme deviennent également nécessaire d’être abordés au sein des réflexions queer.

Loin de pouvoir définir ce que signifie une posture queer, il me semble toutefois s’y retrouver les objectifs : de combattre les oppressions sans aucune hiérarchisation d’importance, ne s'intéressant pas d’abord et seulement aux questions de genres par exemple; de dépasser certaines conceptions binaires (non-handicapé.e, capable / handicapé.e, incapable, entre autres⁴) afin de penser de nouveaux idéaux; d’utiliser des stratégies auto-critiques afin de ne jamais, ou presque, se fixer dans une logique de processus autoréflexif perpétuel exigeant un « devenir ». Le tout afin d’éviter les rapports de domination, tels qu’une surprésence de personnes non-handicapées, entendantes, blanches, etc. qui habitent les milieux qui se revendiquent comme queer.

Par ailleurs, et quoiqu’on peut entrevoir quelques éléments s’éloignant de représentations capacitistes au sein de la série telle qu’une représentation de la sexualité de personnes handicapées ou le fait de revendiquer une différence physique comme identité positive désirée, il semble y avoir plusieurs éléments majeurs qui fait que la série reconduit des stéréotypes vis-à-vis des personnes handicapées ou ayant des corps atypiques.

Florian Grandena a d’ailleurs posé certains malaises vis-à-vis de la série : « Ça me fascine et m’énerve [...], je regarde la série autant qu’elle me regarde [...]. Les personnages retrouvent leur corps avant l’épisode d’amputation, mais la série amène ça comme un retour à un corps trauma : c’est capacitiste ».

Effectivement, considérant l’historique violent des freaks show⁵, du fait que la série fait aussi écho au film Freaks (1931) dans la même veine que les freaks shows, et que la majorité des acteur.trices performent le handicap et le corps atypique, excepté les rôles secondaires de Rose Siggins, Mat Fraser, Ben Woolf et Jyoti Amge, un malaise s’installe.

Il y a pourtant au cinéma et dans les séries, comme l’avance Elodie Marcelli⁶, « [...] le potentiel de créer et de produire des représentations culturelles nouvelles et diversifiées de personnes handicapées dans lesquels je, et d’autres personnes, pourront éventuellement s’identifier et déconstruire les stéréotypes associés traditionnellement aux personnages handicapés ».

Mais comme cela a été avancé à de nombreuses reprises au cours du colloque Télévision Queer, il faut également se questionner sur d’autres aspects que la représentation, dont notamment :

[...] autour de l’accessibilité culturelle, qui désigne un ensemble de recommandations et de pratiques qui donnent l’accès aux espaces et aux pratiques artistiques et culturelles afin de favoriser un sentiment d’appartenance, de visibilité et de participation sociale des personnes handicapées. Mais outre que de donner accès aux espaces et aux pratiques, il faut amorcer une pensée autour de quelle culture nous donnons accès. Pour les personnes qui ont historiquement été exclues des arts et de la culture, l’enjeu ne réside pas seulement dans l’accès et l’inclusion à une culture dominante. Il faut également favoriser les œuvres faites par des personnes handicapées, ce qui engendrerait inévitablement, mais nécessairement une transformation des milieux des arts et de la culture.

Ainsi, il faut aller plus loin que la question des représentations culturelles. Nous devons réfléchir aux espaces, nous questionner sur qui crée, qui organise et qui expérimente la culture pour comprendre comment nous participons tous.tes à une culture capacitiste, et pour ainsi mieux s’en éloigner. (Ibid.)

Notices

1. Auteur américain qui réfléchit les théories queer et les études critiques du handicap.

2. L’expérience du temps du point de vue d’une personne handicapée, mad ou neurodivergente et/ou d’expérimenter le temps en leur compagnie. Cela implique une expérience du temps autre que normative, entre autres, dans le fait de se déplacer, communiquer, aller d’un endroit à l’autre, se rassembler entre ami.es ou négocier des espaces (in)accessibles. (http://somatosphere.net/.../pixelization-in-crip-time.../)

3. Système d’oppression et de discrimination fondés sur les handicaps.

4. Voir les recherches d’Elodie Marcelli.

5. Expositions du 19e et 20e siècles aux État-Unis mettant en spectacle majoritairement des personnes ayant des corps atypiques, parfois également exposées aux côtés d’animaux, pour un public blanc non-handicapé en recherche de divertissement. Les personnes noires étaient également considérées comme ayant des corps atypiques à cause de la couleur de leur peau et s’y retrouvaient parfois exposées.

6. Dans "Quelques paradoxes féministes"

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